Mes parents exercent un métier pas comme les autres : ils sont tous deux Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap (AESH). Leur quotidien est marqué par des rencontres humaines profondes, mais aussi par des difficultés structurelles et financières qui méritent d’être mises en lumière.
Un engagement personnel et professionnel
Ma mère est AESH depuis 11 ans. Aujourd’hui, elle travaille principalement dans des classes ULIS (Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire) au niveau primaire. Ces classes accueillent des enfants ayant des troubles des apprentissages ou des handicaps variés pour leur permettre de suivre une scolarité adaptée. Au fil des années, elle a accompagné des enfants avec des handicaps aussi divers que l’autisme, la trisomie, les troubles moteurs ou encore la malvoyance.
Mon père, après 32 ans en gendarmerie, a choisi de devenir AESH en collège en novembre 2024. Sensibilisé par le travail de ma mère et motivé par le désir de trouver plus de sens dans son quotidien professionnel, il s’est tourné vers ce métier avec une envie sincère d’accompagner des élèves qui en ont besoin. Leur engagement prend une dimension personnelle : ils sont aussi touchés dans leur vie familiale par le trouble du neurodéveloppement (TDAH)de leur fille et petite-fille.
Le rôle clé des AESH dans l’école inclusive
Le statut d’AESH a été créé pour soutenir la scolarisation des enfants en situation de handicap dans les établissements ordinaires. Depuis la loi de 2005, la France s’est engagée dans une dynamique d’école inclusive, offrant à ces enfants l’opportunité de s’épanouir aux côtés de leurs pairs. Les AESH jouent un rôle indispensable dans cette mission, en adaptant les activités et en soutenant les enseignants.
Les défis du métier
Cependant, la réalité de ce métier est souvent marquée par des obstacles importants :
- Manque de préparation et de coordination :
Les AESH découvrent souvent l’enfant qu’ils vont accompagner le jour de la rentrée. En raison du secret médical et de l’interdiction de dialoguer avec les parents, ils ne disposent pas des informations essentielles pour se préparer à l’avance. - Précarité du statut :
Les AESH sont souvent embauchés en CDD et ne peuvent obtenir un CDI qu’après trois ans. Ma mère, ayant dû interrompre sa carrière pour suivre les mutations de mon père et pour d’autres raisons, a perdu le bénéfice de cette ancienneté. De plus, les heures sont limitées à 24 par semaine en primaire, ce qui empêche une rémunération décente. - Manque de formation adaptée :
Malgré les 60 heures de formation prévues, les AESH ne reçoivent pas toujours l’accompagnement nécessaire pour comprendre et répondre aux besoins spécifiques des différents handicaps. - Insuffisance des moyens : Beaucoup d’enfants ne bénéficient pas du soutien nécessaire faute de ressources disponibles, mettant une pression supplémentaire sur les AESH et les enseignants.
Une difficulté supplémentaire pour les parents
Les familles d’enfants en situation de handicap se heurtent également à des défis considérables pour obtenir un accompagnement adapté. Les délais de traitement des demandes par les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) sont souvent très longs, ce qui retarde l’arrivée d’un AESH.
De plus, le manque de professionnels disponibles conduit parfois à des prises en charge partielles, avec seulement quelques heures d’accompagnement par semaine, loin des besoins réels de l’enfant.
Cette situation place les parents dans une grande détresse et les oblige souvent à compenser eux-mêmes ces lacunes, au détriment de leur vie professionnelle et personnelle.
Le sens et les joies du métier
Malgré ces difficultés, mes parents trouvent une grande satisfaction dans leur travail. Pour ma mère, l’un de ses plus beaux souvenirs est d’avoir réussi à communiquer avec un enfant non verbal grâce à des gestes et des regards. Voir ces enfants évoluer, s’épanouir et gagner en confiance est une récompense inestimable :
“Un enfant en situation de handicap ou pas, reste un enfant, et j’aime les accompagner tels qu’ils sont pleinement”.
Mon père, lui, apprécie la diversité et l’humanité de ce métier. Ayant déjà servi la société en tant que gendarme, il retrouve un sens profond à être utile de manière différente, dans un cadre de vie plus apaisé.
« L’attention reste permanente ce qui génère une fatigue différente de part la présence nécessaire pour l’enfant. Mon challenge au quotidien en étant au collège est de faire accepter le besoin de ce genre d’accompagnement aux élèves. Néanmoins, je me sens utile auprès d’eux et des enseignants ce qui, pour mon peu d’expérience aujourd’hui, m’apporte une certaine gratification. »