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Handicap : Pourquoi l’égalité ne suffit pas (et pourquoi l’équité est la vraie solution)

Lorsqu’on parle d’inclusion des personnes en situation de handicap, on entend souvent l’argument selon lequel « tout le monde doit être traité de la même façon ». Pourtant, cette vision est trompeuse et méconnaît une réalité essentielle : l’égalité en droits ne signifie pas l’égalité en opportunités.

En France, malgré des avancées législatives, les citoyens en situation de handicap ne bénéficient toujours pas des mêmes conditions d’accès aux services, à l’emploi, à l’éducation ou encore à l’espace public. Pour comprendre pourquoi, il est essentiel de distinguer deux notions fondamentales : l’égalité et l’équité.

Égalité vs Équité : une différence essentielle

L’égalité, c’est offrir les mêmes droits, ressources et opportunités à tout le monde, sans distinction. Cela suppose un traitement uniforme, mais ne tient pas compte des besoins spécifiques des individus.

L’équité, en revanche, consiste à adapter les ressources et les opportunités en fonction des besoins de chacun, pour permettre à tous d’accéder réellement aux mêmes chances de réussite.

Un exemple simple pour illustrer cette différence : imaginez trois personnes de tailles différentes qui veulent regarder un match derrière un mur. Si on leur donne à chacun un même tabouret (égalité), seule la plus grande pourra voir au-dessus du mur. Mais si on adapte la hauteur du tabouret en fonction de la taille de chacun (équité), tout le monde pourra voir le match.

L’inclusion repose donc sur l’équité, et non sur une égalité purement théorique qui, dans les faits, perpétue les inégalités existantes.

Pourquoi les personnes en situation de handicap ne sont pas égales aux autres citoyens en France ?

Malgré des lois visant à garantir leurs droits, les personnes en situation de handicap sont confrontées à des discriminations systémiques dans de nombreux domaines :

1. L’accessibilité 

Se déplacer en ville est un acte banal pour la majorité des citoyens. Pourtant, pour une personne en fauteuil roulant, prendre le métro à Paris relève d’un véritable parcours du combattant : seules 29 stations sur 320 sont accessibles. Là où une personne valide ne se pose même pas la question d’un escalier ou d’un trottoir, une personne en situation de handicap doit anticiper, calculer et parfois renoncer.

Dans les commerces, restaurants et lieux culturels, la situation est tout aussi préoccupante : malgré une loi d’accessibilité en vigueur depuis 2005, de nombreux établissements restent inadaptés. Là où un client lambda peut entrer sans effort, une personne en fauteuil peut se retrouver face à une marche infranchissable.

Sur le numérique, l’écart est aussi frappant : quand un citoyen valide navigue sans difficulté sur un site administratif, une personne malvoyante ou dyslexique peut se retrouver bloquée faute d’outils adaptés. L’information est un droit, mais encore faut-il y avoir accès.

2. L’accès à l’emploi

Le chômage touche tout le monde, mais pas de la même manière. En 2023, 7 % de la population active était au chômage. Chez les personnes en situation de handicap, ce chiffre monte à 12 %.

Les entreprises ont pourtant une obligation d’embauche à hauteur de 6 %, mais trop nombreuses sont celles qui préfèrent payer une amende plutôt que d’adapter leurs pratiques. Un candidat valide est jugé sur ses compétences, alors qu’un candidat en situation de handicap doit d’abord prouver qu’il n’est pas une contrainte.

Les craintes sont souvent infondées : non, un salarié handicapé n’est pas moins productif. Non, les aménagements ne coûtent pas forcément une fortune. Mais ces préjugés persistent, rendant l’accès à l’emploi bien plus complexe.

3. La précarité financière

Le coût de la vie augmente pour tout le monde, mais imaginez devoir survivre avec 1 016 € par mois. Jusqu’en 2023, l’AAH était même soumise aux revenus du conjoint, empêchant certaines personnes d’avoir une indépendance financière. Là où une personne valide a la possibilité de gravir les échelons dans son emploi, une personne en situation de handicap est souvent bloquée dans une précarité institutionnalisée. C’est la réalité de ceux qui dépendent de l’AAH (Allocation Adulte Handicapé), une somme bien inférieure au seuil de pauvreté.

Taux de pauvreté qui, selon l’observatoire des inégalités en 2022 montre que la population en situation de handicap est de 25,8% quand pour la population ordinaire il est de 14,4%…

4. L’éducation 

Tous les enfants ont droit à une éducation de qualité. Mais tous ne partent pas avec les mêmes chances.

Les élèves en situation de handicap doivent composer avec des AESH en sous-effectif, des établissements peu adaptés et des enseignants souvent peu formés à l’inclusion. Quand un enfant valide trouve naturellement sa place à l’école, un enfant en situation de handicap doit souvent lutter pour être accueilli, compris et accompagné.

Chaque année, des familles doivent se battre pour obtenir une place en ULIS ou en IME, alors que l’accès à l’éducation devrait être une évidence pour tous.

5. La représentation dans les médias

Ouvrez un journal, regardez un film, une publicité… Combien de personnes en situation de handicap voyez-vous ?  1 % des contenus médiatiques les incluent, et souvent sous des angles caricaturaux.

Là où une personne valide se reconnaît partout – dans les héros de cinéma, les publicités de mode, les personnages de romans – une personne en situation de handicap grandit sans modèles, sans référence, sans miroir social. Or, la visibilité influence la perception. Tant qu’on ne les voit pas, on ne pense pas à eux dans les politiques publiques, dans le recrutement, dans la conception des villes et des services.

6. La place de la femme

Être une femme dans le monde du travail est parfois un défi. Être une femme en situation de handicap, c’est multiplier les obstacles.

Seules 49,9 % des femmes en situation de handicap accèdent à un emploi en milieu ordinaire, contre 72,2 % des femmes valides. Elles sont aussi plus exposées aux violences et aux discriminations.

Quand on parle d’inclusion, il est crucial de ne pas oublier cette double marginalisation, où le sexisme et le validisme se croisent pour rendre l’égalité encore plus lointaine.

Consciente de ces réalités, la Fondation AHADI , créée par Deza Nguembock, s’engage à transformer la perception du handicap en mettant en avant les talents des femmes handicapées à travers des programmes innovants, des collaborations interculturelles et des initiatives artistiques. Elle soutient leur autonomisation économique et renforce leur rôle dans les sphères décisionnelles pour bâtir une société plus équitable  .

La fondation AHADI, qui milite pour un nouveau narratif autour du handicap et de l’inclusion, œuvre actuellement pour faire reconnaître ces discriminations croisées et promouvoir des solutions adaptées à chaque contexte. En intégrant cette approche intersectionnelle, elle contribue à un modèle plus juste, où chaque personne, quelle que soit sa situation, peut réellement trouver sa place.

Quels dispositifs pour réduire ces inégalités ?

Plusieurs lois et mesures ont été mises en place :

✅ Loi de 2005 sur l’égalité des chances : un premier pas vers l’accessibilité universelle, mais dont l’application reste incomplète.

✅ Déconjugalisation de l’AAH en 2023, permettant une plus grande autonomie financière.

✅ Plan de transformation des ESAT, pour favoriser une meilleure inclusion professionnelle.

✅ Amélioration de l’accessibilité numérique, avec des normes plus strictes pour les sites publics.

MAIS 

⚠️ De nombreux bâtiments restent inaccessibles malgré les obligations légales.

⚠️ Les entreprises ne respectent pas toujours leurs obligations d’embauche.

⚠️ Les ressources allouées à l’éducation inclusive restent insuffisantes.

Comment aller plus loin ? S’inspirer des bonnes pratiques internationales

Certaines initiatives à l’étranger montrent qu’un meilleur modèle est possible :

En Suède, les infrastructures publiques sont conçues dès le départ pour être inclusives (logique de « design universel »).

Au Canada, des quotas plus stricts et des incitations financières efficaces ont permis d’augmenter le taux d’emploi des personnes en situation de handicap.

Aux États-Unis, l’ADA (Americans with Disabilities Act) impose de lourdes sanctions aux entreprises et établissements qui ne respectent pas l’accessibilité.

Des pistes pour une véritable inclusion

✔️ Renforcer les sanctions pour non-respect des obligations d’accessibilité.

✔️ Encourager le dialogue, l’écoute des personnes concernées pour proposer des réponses spécifiques aux besoins spécifiques, notamment dans l’emploi.

✔️ Créer des campagnes médiatiques et gouvernementales positives pour changer le regard sur le handicap.

✔️ Former dès l’école à l’inclusion, à l’empathie, à la tolérance et au respect de chacun pour déconstruire les stéréotypes.

✔️ Associer davantage les personnes concernées aux décisions qui les impactent.

Vers une société équitable, et non seulement égalitaire

L’égalité des droits est une base essentielle, mais elle ne garantit pas l’égalité des chances. L’inclusion passe par l’équité, c’est-à-dire par des ajustements qui permettent à chacun de participer pleinement à la société.

L’égalité est un idéal souvent cité comme l’objectif ultime de notre société. Pourtant, traiter tout le monde de la même manière ne signifie pas traiter tout le monde de façon juste. L’équité, elle, prend en compte les différences de départ et les obstacles spécifiques rencontrés par certaines personnes pour leur permettre d’atteindre les mêmes opportunités que les autres.

Prenons un exemple concret : si l’on donne à chaque élève le même manuel scolaire sans s’assurer que chacun puisse le lire (problème de dyslexie, de cécité, etc.), certains seront immédiatement désavantagés. Une approche équitable consisterait à proposer des supports adaptés (livres audio, braille, synthèse vocale) pour que tous aient réellement accès au même savoir.

Dans le cas du handicap, l’égalité voudrait que tout le monde ait accès à un emploi sur les mêmes critères. Mais comment être à égalité si les bâtiments ne sont pas accessibles, si les transports ne permettent pas de se rendre au travail, ou si les employeurs hésitent encore à embaucher par peur des aménagements nécessaires ?

L’équité, c’est lever ces barrières en adaptant les infrastructures, en soutenant financièrement les entreprises qui recrutent, et en garantissant un accompagnement efficace pour que chacun puisse exploiter son potentiel.
Ce n’est pas donner « plus » aux personnes en situation de handicap. C’est simplement leur donner les moyens d’être considérées comme des citoyens à part entière.
Changer les mentalités, adapter les infrastructures et renforcer les mesures d’accompagnement sont autant de leviers pour faire de la France un pays véritablement inclusif.
Car une société plus juste pour les personnes en situation de handicap est une société plus juste pour tous.

Et vous, quelles mesures pensez-vous essentielles pour une meilleure inclusion ?

Sources :
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/08/30/jeux-paralympiques-2024-les-discriminations-liees-au-handicap-en-chiffres-et-graphiques_6299342_4355770.html?utm_source=chatgpt.com
https://www.insee.fr/fr/statistiques/7767083?sommaire=7767424&utm_source=chatgpt.com
https://informations.handicap.fr/a-tv-representation-handicap-franchit-barre-1-pourcent-35277.php
https://inegalites.fr/Le-handicap-expose-a-la-pauvrete-et-aux-privations

Tiffany Mazars